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Tu ne sais pas encore ce que c'est, a priori, mais on dirait que tu es en lendemain de cuite. Ta tête va exploser et tout est en mouvement autour de toi, même ce qui n'est pas censé bouger. Ton instinct, fuir ou se battre, s'est fait la malle. Quand elle t'a demandé de la suivre, tu l'as fais sans te poser de question. Tu as échangé un bref regard avec ton patron et, sous ses yeux ébahis, tu as promptement quitté ton poste pour suivre cette femme. Aucune question posée, aucune hésitation, tu l'as simplement suivie.

C'est l'instinct, tu ne sais pas encore ce que c'est, mais il fonctionne parfaitement bien, et tu reconnais sans reconnaître l'un des tiens.

Tu reconnais les démons. Tu reconnais les démons des humains.

Silencieux, peut-être bouche-bée, tu l'as suivie, tu es entré à sa suite dans le salon de thé. Les murs sont peints d'une couleur douce, l'endroit est propre et agréablement silencieux - le silence est interrompu par une musique douce que tu ne reconnais que de loin, enfouie dans d'anciens souvenirs qui ne t'appartiennent pas : comme le visage de cette femme en face de toi, son sourire que tu ne comprends pas, ses yeux qui sont plongés dans les tiens.

Tu découvres la faim en même temps que tu découvres le sucre. Jusqu'ici, tu te nourrissais exclusivement de sandwiches, de cacahuètes et de chips que Thaddeus voulait bien te refiler. Alors le sucre, ça te fait quelque chose.

Automatiquement, tu associes le sucre à cette fille.
Si tu en veux plus, tu vas devoir l'écouter.
De toutes façons, tu veux l'écouter.
Tu en veux
Plus
(Bien plus)
(Tes yeux sont affamés)

Alors, tu réponds à ses questions entre deux bouchées avides.

Je crois que ça va faire six semaines dans trois jours, tu précises avec attention. Tu l'observes, tu fronces un peu les sourcils. Je n'ai jamais pensé à sortir de là-bas.

Tu avais juste erré de l'hôtel au bar, et puis du bar à l'hôtel, et pour toi le monde se résumait à cette rue, tu ne te doutais pas qu'il existait autre chose. Tu penches la tête sur le côté.

Qu'est-ce que tu me veux ?

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Les collations s'enchaînent, à vrai dire tu n'es pas très au fait de l'étiquette qu'il faut adopter à table. Tu as vite fait de ramener tes pieds sur la banquette où tu es assis et tes genoux contre ton torse, engloutissant gâteau sur gâteau, te ravissant du goût du sucre sur ta langue.

Cette fille. Elle est le sucre. C'est elle, juste elle. Et tu comprends qu'il t'en faut plus, alors tu vas l'écouter.

Tu n'as rien à voir avec ton prédécesseur. Lui, il abandonne. Toi, tu es abandonné. Cela marche dans les deux sens bien que tu ne réalises pas encore bien. Et pourtant, Llewelyn, rien ne te retient ici. Le jour d'après, peut-être que tu seras parti sans un mot. Tu abandonnes par réflexe, par mécanisme de défense, par vengeance. Tu juges qu'il est dans ton droit d'infliger ce qu'on t'inflige, à la manière de ton prédécesseur qui n'avait jamais eu l'occasion de refermer les blessures sur son cœur.

Tu me surveilles ? Depuis quand ? Tu l'observes les yeux plissés, un ronronnement dans la gorge. A bien te regarder, on croirait bien que ce que dit la gentille démone rentre par une oreille pour ressortir directement par l'autre oreille. Il faut que je fasse attention aux anges, c'est ça ? On pourrait croire que tu n'as pas lu le mémo, mais cette peur de l'angélique, elle est gravée dans ton ADN. Les petits démons comme toi qui sont nés après la montée sur Terre, vous venez au monde avec l'instinct de fuir les anges, de vous cacher, vous naissez avec l'instinct de survivre plutôt que de vivre. Comment je dois faire ? Comment je peux me défendre ?

Soudainement, tu es inquiet. Soudainement, la faim n'est plus ton plus gros problème, dorénavant, tu dois survivre. Tout ton être te le crie. Tu... tu vas m'aider ?