the hand that feeds you | TOBIAS
???
???
17h10
tobias
don't bite the hand that feeds you
En fait Llewelyn, ton problème, c'est que tu cherches constamment la merde. Tu aurais pu continuer ton après-midi à glander dans l'appartement de Zoran, étendu de tout ton long sur le canapé, les yeux observant le plafond et les jeux de lumière du bâtiment d'en face sur les murs colorés de l'appartement. Tu aurais pu faire un braquage de la cuisine et te goinfrer de quoi que ce soit qui te tombait sous la main, ou bien tu aurais pu te percher sur le rebord de cette même fenêtre et observer le chat d'en face, yeux bleus dans yeux verts en te demandant à quoi elle pensait, en observant ses oreilles, et son pelage, et en penchant la tête sur le côté, comme si elle venait de te parler, comme si tu pouvais l'entendre.Mais non.
En fait, tu t'ennuyais terriblement quand Zoran partait travailler, mais tu ne lui disais pas - notamment parce que tu restais quasiment tout le temps dans ta forme animale lorsqu'il était là, il ne t'avait vu en humain que lors de rares occasions, et tu n'allais encore moins lui parler. Tu étais toujours un petit peu craintif à son égard, comme s'il avait des moyens de te faire du mal, comme s'il allait soudainement lever la main sur toi comme l'avaient fait les hommes du refuge. Mais non, Zoran était un ange descendu sur Terre. Il était un ange et toi tu restais un chat: prompt aux conneries et un fier ennemi de l'ennui.
Donc oui, Llewelyn, tu t'ennuyais. Tu t'étais levé, t'étais étiré et avais sauté du canapé avant de rejoindre la fenêtre non pas de la cuisine mais celle de la chambre de Zoran. Tu allais peu souvent dans la chambre, d'habitude tu y allais de nuit, quand Zoran dormait, et tu le réveillais constamment un quart d'heure avant que son réveil ne sonne, quémandant à boire, à manger, et qu'il ouvre les volets.
La fenêtre était ouverte - parce que Zoran te faisait confiance. Enfin, en premier lieu, elle était ouverte parce que la porte de la chambre était fermée, et que Zoran oubliait que tu n'étais qu'à moitié un chat, parfois. Tu t'étais rapidement transformé en humain pour l'ouvrir, avant de redevenir un animal et te percher sur tes pattes arrières, les pattes avant posées sur le mur. Tu avais un plan de merde qui se formait dans ta tête.
A ta gauche, posé contre le mur, un miroir.
Tu refuses de regarder ton reflet, tu n'aimes pas ce à quoi tu ressembles et en même temps tu t'adores. Mais il y a quelque chose en toi qui demande à sortir, qui demande à être découvert au monde, mais tu n'es pas prêt, pas encore
Frustré par cette pensée, tu secoues la tête et tu bondis souplement pour te percher sur le rebord de la fenêtre.
Et évidemment, tu perds l'équilibre une fois arrivé en haut, tu vacilles et avec un miaulement étouffé, tu tombes de la fenêtre pour atterrir dans un buisson aux feuilles qui te piquent.
La chute aurait pu être pire. Tu ne t'es même pas fais mal; en même temps, l'appartement de Zoran est au premier. A quoi il pensait en laissant la fenêtre ouverte ? Bon, en même temps, têtu comme tu étais, tu l'aurais ouverte. Tu ne savais même pas pourquoi tu avais fais ça à la base.
D'où revenait Zoran du travail ? Dans combien d'heures allait-il revenir ? Est-ce qu'il allait te voir ?
Et si des chiens passaient par là ? Ou un autre chat ?
Tu étais soudainement très mal à l'aise. Sortant du buisson où tu avais atterri, tu secoues ton pelage et passes ta langue sur ta patte, puis contre ton oreille comme pour chasser l'embarras et une fois quelques pas faits pour rejoindre la porte d'entrée du bâtiment, tu te transformes en humain. C'est nul. Tu n'as même pas les clés du bâtiment. Pourtant, dans ta forme humaine, tes vêtements ont des poches, mais bon, tu ne pouvais pas penser à tout... déjà que tu avais du mal à penser à quoi que ce soit de base.
Tu t'assois à même le sol, remontes tes jambes contre ton torse. Et puis, c'est là que tu le vois.
Le type qui te dévisage depuis tout à l'heure.