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Lun 27 Mar - 13:42
poor thing
Althéo perdait la notion du temps. C'était d'époque, effectivement, mais cela restait une sensation insupportable. Il était dans ces mauvais jours où il refusait de voir qui que ce soit sinon éventuellement son enfant, et encore. Qui aurait pu penser qu'un dieu puisse déprimer ? Cela arrive bien plus souvent qu'on ne le croit.

Allongée sur son lit, bien plus grand et confortable que ce que les autres habitants de la colonie possèdent, la déesse pense. Qu'advenait-il des Enfers ? D'Hadès ? De Macarie, pauvre petite Macarie dont le dernier souvenir qu'elle avait d'elle était un caprice, une dispute entre mère et fille, et la petite qui refuse catégoriquement de quitter son père, de suivre sa mère vers la surface, surface qu'elle n'a jamais vue. Macarie n'est qu'une enfant, après tout. Une déesse, mais une enfant. La Mort apaisée... Althéo se demande si un tel concept existe toujours en ces temps de guerre.

Elle ne regrette pas d'être partie. Après tout, Zagrée l'avait fait avant elle, prétextant vouloir aider la colonie. C'est la guerre, Mère, avait-il déclaré, bien plus sage que ses deux parents réunis. Aider les autres ? La déesse avait du mal avec un tel concept. Elle était égoïste par nature. Le printemps était égoïste, puisant dans les dernières ressources de l'hiver pour s'élever, pour éclore. Il fallait détruire, recommencer depuis le début, faire table rase du passé pour pouvoir éclore et déployer ses ailes.

Ses pensées sont abruptement interrompues quand une petite voix se fait entendre à l'extérieur de sa chambre, et qu'on toque doucement à la porte, presque timidement. Si ses songes embrouillés lui font croire à la visite de sa chère petite fille, il n'en est rien.

Solstice, fille d'Apollon. Une jeune femme au sang mêlé et au cœur sur la main. Une des premières à être venue la rencontrer et à lui avoir montré son respect, et son envie de faire connaissance. Althéo l'apprécie, et pas seulement parce que la jeune fille aurait pu être la sienne. Solstice est une enfant parfaite. Elle comprend, elle compatit. Elle lui fait autant penser à Macarie qu'à la jeune fille abandonnée dans les champs de blé de Sicile, à qui le choix n'a jamais été donné.

Entre, ma fille. Elle se redresse sur les mains, les jambes allongées sur le côté. Quand Solstice ouvre la porte de la chambre, la déesse lui adresse un sourire - un sourire aux lignes fatiguées, marqué par une vie éternelle, immortelle qui aujourd'hui, pèse lourd sur ses épaules. Elle tend la main alors que Solstice approche, vient toucher sa joue du bout des doigts. Je te prie de ne pas t'inquiéter pour moi, elle la prend de vitesse, naturellement, elle commence à la connaître par cœur. Ce n'est qu'un de ces jours.

Et elle sait que l'enfant comprend.